900 millions de francs! Tel est le manque à gagner qu’a subi la presse suisse depuis 2004. Pour sauver leur rentabilité, les éditeurs économisent à tout-va, les journaux payants se meurent, laissant aux ex-voto dédiés à François de Sales, saint patron des journalistes, le soin de trouver des alternatives en termes de recettes. Las, aucune solution miracle n’est parvenue pour l’heure à endiguer une double érosion, celle de la publicité et celle du lectorat.
Cette évolution a ceci d’anachronique que le monde, grâce à internet, n’a jamais consommé autant d’informations qu’aujourd’hui. Du tout et du n’importe quoi, il faut bien le dire, car la confusion entre le futile et l’essentiel est criante. En réalité la crise de la presse trahit un vide immense au niveau des valeurs de la société dans son ensemble. Qui suis-je, où vais-je? A quelle communauté appartiens-je?
Le résultat est une fuite éperdue vers une rédemption citoyenne, un retour aux fondamentaux. Beaucoup de journalistes créent leurs propres blogs, formule intéressante en termes de plus-value d’opinion mais l’espoir d’un retour sur investissement est très ténu. Le monde politique, lui, prend bien tardivement conscience du danger de la disparition des journaux. Un groupe parlementaire a été créé à Berne pour débattre de l’avenir d’une presse professionnelle et indépendante. La marge de manœuvre des députés n’est pas grande. Mais on ne voit pas ce qui empêcherait une réflexion sur une amélioration des conditions-cadre dans le sens, par exemple, d’une reconnaissance du métier de journaliste, à l’instar de ce qu’ont obtenu les médecins et les architectes.