Le résultat étant joué à l’avance dans une autre affaire, celle des avions de combat, il fallait bien que les Suisses s’étripent à propos de quelque chose. Le loup coupe le pays en deux.
Faut-il mettre le holà à la prolifération d’un dangereux prédateur ou respecter au contraire une espèce animale aux carnassières coutumes? Deux visions s’affrontent.
La romantique, d’abord. Le loup est venu tout seul, comme un grand, depuis les Abruzzes. Il a surmonté un environnement hostile, parcouru des centaines de kilomètres, franchissant voies ferrées et autoroutes, mû par le seul instinct de changer d’habitat. Troquer les sombres Apennins contre les Alpes ensoleillées! Il a tellement bien fait, le loup, qu’il est heureux en Suisse, aujourd’hui. Plusieurs meutes gambadent dans les Grisons et en Valais, on a même aperçu la bête trottinant à Blonay et Bulle.
La deuxième vision épouse le souci de l’éleveur. Le loup rend peut-être service à l’équilibre naturel en mangeant des cervidés trop nombreux mais il égorge aussi des moutons, il s’attaque aux veaux. Difficile de défendre les troupeaux efficacement. Les chiens n’ont plus la détermination farouche de leurs ancêtres, l’enclos n’assure pas une sécurité optimale. Bovins et ovins sont à la merci d’un tueur sans pitié, qui plus est cruel. Le loup pousse ses victimes en grappes vers le ravin. Pas pour les dévorer toutes mais pour le simple plaisir de tuer.
Le débat serait intéressant et mériterait considération s’il n’était pas faussé à la base par des lacunes au niveau des faits et de l’information. En 2011, l’auteur de ces lignes publiait dans « La Liberté » le résultat d’une longue enquête. Celle-ci apportait des éléments sérieux permettant d’accréditer la thèse de l’arrivée « artificielle » du loup en Suisse. Par ballet d’hélicoptères en provenance d’Italie.
L’homme a-t-il donné un petit coup de main au loup pour l’aider à s’introduire en Suisse? Si tel devait être le cas, le loup ne s’offusquera pas de voir son destin basculer à nouveau, chair à canon d’un bataillon de chasseurs. Loup y es-tu?