L’homme d’affaires suédois Frederik Paulsen cultive le silence à l’image de ses modèles, aventuriers du grand nord, les Roald Amundsen, Robert Peary et autres Fridtjof Nansen qui ont sillonné à pied ou sur un traineau à chien le monde des glaces. Quand il organise des voyages auxquels participent des personnalités du cru, le consul honoraire de Russie à Lausanne choisit l’ombre. Les grandes effusions, les confidences ne sont pas son fort, selon le journal « Le Temps » qui a dressé son portrait.
M. Paulsen est un taiseux timide mais il donne des conférences à Rumine ou à l’Eglise suédoise de Lausanne où il fait le plein d’amis. Dans son réseau évoluent deux ou trois conseillères nationales, un ancien secrétaire d’Etat à la recherche, la patronne d’un office important de la Confédération, des gens des médias dont un ancien rédacteur en chef, l’ancien directeur d’un groupe de presse lausannois et… et et…? Non pas le raton laveur mais un grand argentier, vaudois de surcroît! M. Paulsen est l’un des plus gros contribuables du canton vert et blanc mais n’y voyez aucun lien de cause à effet. Quand le patron de la société pharmaceutique Ferring convie tous ces décideurs à l’accompagner au fin fond de la Sibérie ou en Andalousie, il le fait sans aucune arrière-pensée. Si, si! D’ailleurs il n’y a pas de mal puisque le voyage est privé, les participants paient de leur poche.
Entrepreneur « hors norme ». C’est ainsi que l’ancien président de l’EPFL, Patrick Aebischer, juge son ami Paulsen. C’est qu’au royaume de la mécanique, on s’y connait en retour d’ascenseurs. Dans son édition du 8 octobre, le quotidien « 24 Heures » ne va-t-il pas jusqu’à révéler que l’EPFL est mouillée jusqu’au cou dans des voyages en Carélie subventionnés par M. Paulsen? Poussé à mettre son nez dans cette affaire de voyages à l’étranger, le Ministère public vaudois devrait indiquer bientôt s’il compte poursuivre les investigations et ouvrir une enquête en bonne et due forme.
La banane lémanique risque-t-elle de figurer dans un avenir proche sur la liste rouge de Transparency International? On n’est pas encore dans un scénario «Opération Mains propres», mais les langues se délient et surtout les tabous tombent. Dans son dernier éditorial, la directrice des rédactions Tamedia en Suisse romande lance la patate chaude dans son propre camp en interpellant les journalistes. Qui prend en charge leurs déplacements à l’étranger? Un zèle subit qui étonne toutefois, dans la mesure où les « liaisons dangereuses » entre la presse et les spécialistes des relations publiques ont fait l’objet d’une série de débats critiques organisés par feu le Forum des journalistes économiques, il y a une vingtaine d’années déjà. Entre-temps, les rédactions se sont dotées d’une directive relative aux voyages de presse: lorsque ceux-ci sont organisés et financés par un tiers, le lecteur doit en être informé. Revenir là-dessus comme s’il s’agissait d’une nouvelle prise de conscience déconcerte, mais n’est pas forcément inutile