Vue du ciel, la mer est belle. Mais l’atterrissage en Europe nous pose sur un continent déchiré et masochiste. C’est un continent qui se débat dans des contradictions internes qui ressemblent de plus en plus à une volonté effrénée à saper les bases idéologiques du vieux continent qui pourtant ne cesse de se considérer le berceau de la démocratie et des droits de l’homme et qui ne cesse de s’enorgueillir de la construction de la construction de l’Union Européenne. Les dernières élections européennes ne sont qu’une désolante démonstration de la déconfiture annoncée de l’Europe, tout comme les votations du 9 Février en Suisse.
Taoufik Ouanes ist Anwalt in Tunis und Genf. Er ist spezialisiert auf internationales Recht. Er studierte am « Institut universitaire de hautes études internationales“ de Genève (HEI) und an der Académie de droit international de La Haye. Er lehrte an mehreren Universitäten, war Diplomat und Rechtsberater für verschiedene Uno-Organisationen. Er wird künftig häufig für Journal21 schreiben.
Encore plus désolant est l’atterrissage sur les rives du Maghreb. Une région en pleine tourmente. Le terrorisme, l’instabilité politique, l’insécurité et la crise économique plongent les pays maghrébins dans un cycle de folle autodestruction à l’intérieur de chaque pays et dans les relations entre ces mêmes pays. Si l’Union du Maghreb Arabe (UMA) est un mort né, le Maghreb-au sens politique et social-est en danger de mort… par autodestruction.
Déconfiture du vieux continent
Depuis presque trois décennies l’Europe de l’ouest, enivrée par la chute du mur de Berlin et à peine décomplexée de son passé colonial, a tourné le dos à ses références humanistes et s’est recentrée sur son nombril en exerçant une action expansionniste vers les pays de l’est européen, en forçant, si nécessaire, l’évolution nécessaire de l’histoire et les mécanismes d’adhésion de ces pays à l’Union Européenne.
Les dirigeants politiques de l’Europe ont ainsi commencé à faire peu de cas des relations historiques, politiques et économiques qui les relient au Maghreb et au monde arabo-musulman en général. La légèreté avec laquelle – par exemple – les efforts de la Turquie de se rapprocher de l’Europe étaient – et continuent – à être traités, est irresponsable. Pire encore, la manière cavalière avec laquelle est menée la politique de coopération avec le Maghreb dénotent une étroitesse d’esprit et une vision limitée de la marche de l’histoire.
Xénophobie et racisme
Comme si la boussole européenne s’est déréglée et comme si l’Est peut remplacer le Sud! Le pire c’est que cette attitude s’est renforcée, surtout en France, sous tous les gouvernements sans exceptions. Personne ne veut le reconnaitre, mais ceci n’a fait que préparer le lit au développement rampant du mouvement xénophobe, antisémite et raciste. Mais le drame c’est que, personne en Europe, ne réalise vraiment que dans le monde actuel, le racisme et la xénophobie sont des problèmes pour l’Europe, autant que pour les étrangers.
En effet, la sécurité et la migration sont devenues le fer de lance de toutes les campagnes électorales de gauche ou de droite. Comme si on avait oublié que la xénophobie et le racisme ne font pas beaucoup de différence entre un Maghrébin et un Kosovar ou un Bosniaque, entre un bronzé et un blond, lorsqu’il s’agit de rejeter «l’autre» et de se renfermer dans des pseudo-certitudes de sa supériorité ou de conserver des avantages économiques illusoires et éphémères.
Pain béni pour l’extrême-droite
L’impuissance de tous, Europe et Maghreb de résoudre ces problèmes est devenue du pain béni pour l’extrême-droite européenne. Eh oui! C’est comme les poulpes qui, affamées, commencent à manger leurs propres tentacules! Ceci a porté le phénomène de l’auto-destruction au cœur même de la construction européenne. Le danger est en la demeure et le vers est dans le fruit. Le glissement du refus de «l’étranger», non européen s’entend, s’applique maintenant aux européens, qui sont maintenant, de plus en plus considérés comme étrangers – eux aussi – avec tout ce que ceci comporte de péjoratif.
Slogans de l’état-nation
Rejointe par des hordes de ce qu’on appelle les eurosceptiques et des masses encore plus nombreuses d’abstentionnistes, l’extrême droite européenne victorieuse lors des dernières élections, continuera à approfondir et intensifier le déboulonnement de l’Union Européenne, agitant les chimères protectionnistes, l’état-nation et autres slogans d’un âge révolu.
De telles attitudes rappellent, en filigrane, les spectres de l’Europe en guerre du siècle dernier ainsi que le dédain des pratiques colonialistes. Même la Suisse, pays réputé pour son humanisme et sa modération, n’a pas échappé à ce dangereux fléau. Aussi, ne faudrait-il pas s’étonner du rejet de la Suisse de rejoindre l’Union Européenne (UE) et même l’Association Européenne de Libre Echange (AELE). Le rejet, n’est donc pas uniquement celui de l’africain ou de l’arabe, il atteint l’Européen, même les européens de l’UE et le frontalier!
L’Europe a commencé à se gangréner de l’intérieur en tournant le dos aux valeurs universelles de démocratie et des droits de l’Homme, seul fondement actuel du rayonnement de l’Europe après son déclin mondial en termes économiques et militaires.
Le Maghreb devenu masochiste s’autodétruit
Sur les rives du Maghreb, la situation n’est pas seulement aussi attristante; elle est en plus désespérante et sanglante. A peine dégrisés par ce qu’on n’ose plus appeler «printemps arabe», la descente aux enfers du Maghreb est de plus en plus tragique, en termes politiques, économiques et religieux. D’attentats terroristes en guerres civiles et tribales, de diplomaties frileuses et bureaucratiques en déconfitures sociales et économiques, les responsables politiques du Maghreb n’arrivent pas à s’entendre pour innover leurs approches et coordonner leur coopération. Tout comme en Europe, la coopération n’est vue que sous l’angle restreint de l’intérêt national étroit ou du calcul boutiquier des appétits politiques égoïstes.
Tant que les dirigeants maghrébins – et européens – n’ont pas fait de la lutte contre la menace terroriste une affaire commune et non une affaire de protection nationale, le danger terroriste continuera à menacer tous ces pays. Le terrorisme est mobile, rapide et bien implanté. Partout! Et puis ce n’est pas seulement l’affaire des dirigeants seulement. C’est l’affaire de tous. Mais c’est aux gouvernants et à tous les responsables politiques de décider et mettre immédiatement en œuvre une stratégie pour que la lutte contre le terrorisme et du refus de la violence.
Ceci doit devenir une culture bien enracinée dans les sociétés maghrébines. Sur un plan plus spécifique, notons que la grande carence des diplomaties du Maghreb c’est de n’être pas arrivé à persuader l’Europe que pour le terrorisme, le Maghreb est l’antichambre de l’Europe. Bien sûr il ne suffit pas de le dire. Il faut le démontrer. C’est sous nos yeux que l’autodestruction de notre Maghreb se fait par la violence criminelle des terroristes et les errements ou la frilosité des autres. C’est sous nos yeux aussi que le terrorisme rampe vers l’Europe et que les Européens font fausse route en répondant par la xénophobie et en nourrissant les positions de l’extrême droite.
Le terrorisme vise à déstructurer les sociétés
Il ne faudrait pas oublier que le terrorisme n’est pas seulement des actions violentes et sanglantes. Il vise aussi à déstructurer les sociétés, à diviser les pays et à instaurer la peur et la suspicion comme étalon des relations entre les deux rives de la Méditerranée. Il pousse ainsi à s’auto détruire en détruisant la tolérance et le dialogue entre méditerranéens.
Nos sociétés au nord comme au sud de la méditerranée sont en danger. Comme en droit il ya le crime de non assistance à personne en danger, en politique et en histoire, il ya la responsabilité pour non assistance à société en danger. – Que les politiques des deux rives de la Méditerranée le gardent à l’esprit!