Alors qu’un continent d’objets plastifiés dérive sur les océans, à l’heure de l’extinction rapide de nombre d’espèces animales et végétales, certains futurologues ne trouvent rien de mieux à faire que de racoler le bon peuple en l’incitant à tremper son éternité dans des cuves d’azote liquide, un élément dangereux pour la santé et la nature. A se cryogéniser, pour utiliser le terme ad hoc. En d’autres termes à se mettre en état de ressusciter un jour, quand la science aura progressé au point de redonner vie à un cadavre.
La cryogénisation… L’embaumeur de Lénine n’y avait pas songé. Les grands criminels de l’histoire non plus. Sinon combien de Hitler, de Pol Pot dans les starting-blocks, en condition d’émerger de leur chambre froide à l’échéance des mille ans de leurs empires déchus? C’est le cas de le dire, la perpective donne froid dans le dos. Pourtant un quotidien romand y a consacré très sérieusement 10 (!) pages. Mais totalement à sens unique, en ne donnant la parole qu’à des névropathes du “coucou” par-delà l’au-delà. Faudrait-il parler de paumés? « J’ai peur de mourir », confesse un interviewé. Votre serviteur aussi, notez bien, mais il craint encore plus de se réveiller face à un Martien armé d’une chicotte. Avec la seule garantie, cette fois, de ne jamais sortir de la case de l’Oncle Tom.
L’article passe totalement sous silence les aspects sociaux et éthiques. La religion n’est plus une référence, d’accord, mais est-ce une raison pour occulter toute critique d’un procédé qui a autant de chances de relever du pari improbable sur l’avenir que de l’escroquerie. Bienheureux celui qui émergera du sommeil pour remercier ses cryogéniseurs. A moins qu’il ne s’agisse du fabricant de son silo, de telle société américaine ou russe mue par le lucre. Et l’ambition démesurée. L’idée, lit-on quelque part, est de cryogéniser l’ensemble des habitants de la planète. Tiens donc, on n’y avait pas pensé. Sauf qu’en termes environnementaux, l’on ne produit pas impunément 9 milliards d’entonnoirs à macchabées. Et qu’à 200.000 dollars la place, notre bonne vieille Terre devra encore évoluer dans le sens de l’égalisation des revenus ou des cotisations d’assurance-vie.