C’est fait depuis l’organisation d’un colloque qui a abouti à la publication toute récente d’un livre dédié à ce personnage dont le talent littéraire n’avait d’égal que le sens du service public.
Né en 1900 au château de Montcherand, au pied du Jura vaudois, Bernard Barbey exerça d’abord le métier de journaliste. En 1923, il entre à la « Revue hebdomadaire » à Paris, où il signe de nombreux articles et dont il devient le rédacteur en chef en 1935. Plume acérée, il a une prédilection pour la critique théâtrale et de cinéma. Son engagement journalistique se traduira aussi par plusieurs reportages en Europe centrale pour le « Figaro ». En 1938, l’éditeur Fayard lui confiera la direction de sa collection littéraire.
Mais c’est en tant qu’écrivain qu’il connaît surtout la notoriété. Il n’a que 24 ans quand il publie son premier roman «Le Coeur gros», 26 quand il signe le deuxième, «La Maladère». Barbey dépeint des milieux bourgeois ou campagnards, s’affirmant d’emblée comme un redoutable exégète de caractères. Un thème récurrent de l’intrigue est l’époux absent et sa moitié délaissée, en proie aux affres de l’adultère. « Il est très singulier de voir la seconde oeuvre d’un auteur marquer un si grand pas en avant. (…) Vous avez fait là un très beau livre (…), il a une résonance intérieure qui le place, à mon avis, très à part de la production de vos contemporains », complimente Guy de Pourtalès le 30 novembre 1926.
Barbey aimait la France qui le lui rendait bien. Ecrivain à succès, il côtoie de grands noms de la littérature, Bernanos, Julien Green, Malraux, Roger Martin du Gard, Proust. François Mauriac, en particulier, lui témoigna un soutien et une amitié indéfectibles. En 1951, Barbey obtint le Prix du roman de l’Académie française pour «Chevaux abandonnés sur le champ de bataille».
La référence martiale dans le titre du livre n’est pas futile car Barbey mena parallèlement une carrière dans l’armée suisse. Son caractère bien trempé et ses compétences intellectuelles lui valurent de devenir le bras-droit du général Guisan pendant la Deuxième Guerre mondiale. Ce rôle éminemment stratégique trouva un aboutissement en forme de témoignage avec la publication en 1948 de «P.C. du Général», ouvrage que des colonels de l’armée suisse accueillirent avec des grincements de dents. Guisan avait pourtant donné sa bénédiction au manuscrit.
Au lendemain du conflit, Max Petitpierre crée un poste à sa mesure en nommant Barbey attaché de presse et de culture à Paris. Débute alors une longue activité de diplomate. L’ambassade de Suisse en France était dirigée à l’époque par une autre pointure intellectuelle suisse, le ministre Carl Jacob Burckhardt. Au fil des années, la tâche s’avèrera relativement frustrante et ingrate pour Barbey dont l’intense activité n’était que partiellement rémunérée. En ce temps-là, les diplomates étaient très mal payés, et les milieux politiques ne manifestaient aucune empathie particulière envers les représentants de la culture helvétique. Barbey n’en restera pas moins à Paris jusqu’à sa retraite en 1965, assumant parallèlement la fonction de représentant de la Suisse à l’Unesco avec le titre de ministre plénipotentiaire.
La Suisse, c’est bien connu, n’aime pas les têtes qui dépassent et Bernard Barbey souffrit de certaines jalousies à Berne. L’homme est resté dans l’ombre alors qu’il aurait mérité davantage de reconnaissance. L’ouvrage qui lui est consacré aujourd’hui lui rend une dimension que ses concitoyens lui ont trop longtemps niée.
«Bernard Barbey – Ecrivain, journaliste, officier», Editions La Braconnière, 2016.
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